Excuse my french

mercredi 21 septembre 2011

Quand les notes font un couac

Le casting de la nouvelle-nouvelle Guerre des boutons. Qui va finir tout nu, ligoté à un arbre ? C'est le jeune Trinh-Duc !
Un cassoulet périmé
Pendant la coupe du Monde de rugby, L’Équipe se livre à un exercice aussi inédit que sidérant aux yeux des fans de foot : publier les réactions des joueurs du XV de France aux notes qui leur ont été collées par les journalistes de la rubrique. De la part de la bande à Bonnot (Pierre-Michel), c'est assez fair-play d'accepter la contradiction. Venant des sélectionnés, c'est carrément courageux. Pratiquement aucun ne s'est défilé. Et si certains protestent contre la sévérité du jugement, c'est avec retenue (Trinh-Duc) ou humour (Rougerie). Mais nul ne hurle à l'injustice où à l'incompétence du jury. Chez les valeureux d'Ovalie, un tel comportement n'a rien de stupéfiant. On a toujours été scotchés par la lucidité, la dignité et la capacité à assumer une prestation défaillante chez les rugbymen. Combien en a-t-on vu témoigner d'un recul étonnant, les naseaux encore fumants sur le bord de la touche, à peine sortis de l'usine à parpaings !  Accabler l'arbitre, la malchance, la pelouse, la météo, les embouteillages, un cassoulet périmé ? Pas le genre de la maison. L'auto-flagellation parait même souvent un chouïa carabinée ("On va pas se mentir, on a été nuls"). Mais c'est la culture rugby : ici, cong, on baisse humblement les yeux devant la cour martiale convoquée après chaque match international. Et on ne met pas de bandeau face au peloton d'exécution. Mieux, monsieur, quand la presse ou les entraineurs n'ont plus assez d'orties pour vous faire la fête, on repart en cueillir soi-même une généreuse brassée. "Je suis le seul fautif" s'accable ainsi François Trinh-Duc dans L’Équipe ce matin, alors que la planète entière se demande si Marc Liévremont n'est pas devenu fou (ou suicidaire) de l'avoir évincé au profit d'un Morgan Parra totalement inexpérimenté au poste d'ouvreur. Pour retrouver des auto-critiques qui brillent d'un tel carat, il faut aller plonger dans les troubles archives du Parti Communiste de la guerre froide !
"Désolé, mon vieux : 2/10. Une dernière cigarette ? La bénédiction de PM Bonnot ?"
Semblable tableau dessine en creux un accablant portrait des footballeurs. Didier Braun - pertinente petite voix rescapée du fond des âges - l'a sarcastiquement décrit dans son billet de L’Équipe d'hier. Imiter le rugby ? "L'exercice est inconcevable. Joindre les 22 acteurs à l'issue d'un match relèverait de l'inaccessible. Dans la zone mixte tous ne daignent s'arrêter. On n'ose imaginer le reporter hélant le joueur, souvent accaparé par une conversation de la plus haute importance sur son portable, et lui annonçant : "nous vous avons donné 3/10. Qu'en pensez-vous ?". Le journaliste serait illico interpellé par l'agent du joueur, prévenu aussitôt. Celui-ci exigerait des explications et déciderait que "son" poulain ne parlerait plus à l'impertinent incompétent". Et le vieux Jedi du quotidien sportif de conclure, goguenard : "L'expérience tournerait court. Les augustes paroles des joueurs sont trop précieuses pour risquer une telle sanction". En bref, ménager un joueur et le meilleur moyen de ne pas se faire couper l'eau tiède. Etonnez-vous après que les interviews de rugbymen soient tellement plus croustillantes et matures. Alors qu'eux aussi  pourraient s'agacer d'être jugés par des journalistes dépassant le quintal, observant un strict régime Coca/frites/Marlboro et n'ayant pas chaussé les crampons depuis que Giscard a déguerpi de l’Élysée. La différence est que les gars du XV n'ont pas poussé sous cloche depuis l'age de 13 ans, sont devenus des adultes responsables au milieu de leurs parents et amis et n'ont pas - encore - été totalement pourris par le bling et la cour de parasites lèche-culs qui va avec. La nauséeuse affaire Bastareaud suffit, entre autres, à rappeler que ces mecs ne sont pas des candidats prioritaires à l'auréole. Mais chez eux, la notion de rendre des comptes a pour devise l'honneur et pas l'euro.

dimanche 4 septembre 2011

Petrol âne

A City, c'est plus belle la vie en couleurs layette. Le Marseillais est emballé :  "Contrairement à la mafia, les Emirs de Manchester City, eux, ne pratiquent pas le blanchiment". CQFD.
Ainsi donc Sami Nasri, - étincelant, comme on a encore pu en juger contre l'Arménie, boudiné sous son maillot de gondolier Jean-Paul Gaultier  - a fait un "choix sportif" en quittant Arsenal pour Manchester City. Autant faire passer un ticket gagnant de l'Euromillion pour un courageux manifeste politique. En quittant le désespérant pensionnat de garçonnets tenu par le proviseur Wenger, le Marseillais multiplie juste  son salaire déjà grassouillet par deux : 200 000 euros par semaine. Un sacré saut en avant qui vaut effectivement record des Bouches du Rhône. «J'entends ici et là que c'est une question d'argent. Je gagne bien ma vie à City, c'est vrai. Mais j'ai 24 ans. J'arrive à un tournant de ma carrière et il était important d'aller dans un club à la hauteur de mes ambitions" plaide Nasri dans L'Equipe. "Aujourd'hui, je me vois plus gagner des titres à Manchester City qu'à Arsenal». C'est entendu, Nasri ne vole pas les pétro-dollars qu'on lui offre mais n'y a t-il pas quelque chose d'un tantinet obscène à parler de "bien gagner sa vie" quand il s'agit de plus de 11 millions d'euros brut par an ? Où l'on se rend compte que le foot est vraiment devenu complètement fou. Alors que les stars du foot sont de plus en plus riches, leurs fans - esquintés par la crise - sont de plus en plus pauvres.
A titre de comparaison, il nous a semblé instructif - toutes choses étant comparables - de confronter le salaire de Nasri et celui de Michel Platini à son sommet. En 1982 lorsqu'il quitte St-Etienne pour la Juventus, le natif de Jœuf exige de voir son salaire passer du simple au double : 307 692 euros (1). Par an. Une baguette coute alors 0,30 euros, un kilo de bananes vaut 1 euros, un quotidien 0,46 euros, un litre d'essence 0,65 euros. Et le SMIC est à 483 euros. Aujourd'hui il est à 1 365 euros. Soit une progression de 182%. Si le salaire des stars du foot avait augmenté dans les mêmes proportions, Nasri (au palmarès ridiculement moins garni que Platoche en son temps) gagnerait 1175383 euros par an soit 20 988 euros par semaine. A peu de choses près ce que gagnait Sammy Traoré au PSG l'an passé. Rire. Allez, envoyez le bouzin !
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(1) : dès la saison suivante, son salaire annuel sera porté à 338 460 euros.

vendredi 2 septembre 2011

COUP DE BOULE : Arsène W., gentleman cambrioleur ?

Un bronze qui coule, ça peut être douloureux. Même si, après coup, on peut l'envisager comme un soulagement.
Un matin de 2008 de ce qu'on croyait être un beau jour (tu parles, Adidas nous invitait à assister à un France-Italie de l'Euro suisse) mais qui allait en fait se révéler tout pourri (vous pensez, le 0-2 de triste mémoire avec l'expulsion-penalty d'Abidal), on a été présenté à Arsène Wenger dans une antichambre d'Orly. Et on a failli en faire pipi d'émotion. Supporter d'Arsenal depuis 1996, m'sieur ! "C'est bien, continuez" commenta le grand homme (1,91 m) avec la légendaire distance affable qui participait de sa classieuse anomalie dans ce monde de brutes à cure dent qu'est grosso modo le foot. Notre mémoire continuait de polir avec ravissement cette phrase fulgurante - qui ne nous aurait pas fait moins d'effet qu'avoir l'oreille tirée par Napoléon en 1805 - quand quelques évènements sont venus gâcher le succulent souvenir.
Un quadra myope avec un nom de voiture : c'est à la lumière de ce genre
de recrutement aberrant qu'on se dit qu'un manager perd les pédales.
Bref rappel des faits qui fâchent : vendredi dernier, Chu Young Park, le joueur de Monaco, est à Lille pour passer la visite médicale, préalable à la signature d'un contrat avec le club champion de France. Il est convenu que le Sud-coréen doive passer la fin de ses tests le lendemain. Mais la cause - et les détails du transfert - semble entendue. Le samedi matin, un représentant du LOSC se pointe à l'hôtel du joueur pour s'entendre dire que ce dernier vient de faire son check out. Instruit des rumeurs faisant état d'un intérêt tardif d'Arsenal pour leur trouvaille, les Lillois se ruent à la gare où ils trouvent Park au pied de l'Eurostar. Justification penaude : le club londonien a surenchéri dans la nuit auprès de Monaco.A l'heure du petit déjeuner, adieu donc l'ami de Corée. Bon. Les manquements d'un joueur à sa parole se sont multipliés ces dernières années. Souvent, c'est le club "mieux-disant" qui lui prêtait un mouchoir à placer pudiquement sur le savoir-vivre. Le choc est qu'un gentleman comme Arsène Wenger encourage ces comportements de gredins. Car jusqu'alors, l'Alsacien posait bien plus volontiers dans la posture de la vierge outragée, composition victimaire rodée depuis la fugue de la caillera Anelka au Real en 1999. Et ce même si, plusieurs coups de cisaille dans le grillage de poulaillers européens pour chiper quelques jeunes coqs de concours avaient déjà fait froncer des sourcils aux observateurs tatillons.
Cette surenchère délirante (L'Equipe assure que Monaco s'est vu offrir 12 millions d'euros alors qu'un deal avait été scellé avec Lille pour 3 !) traduit une fébrilité étonnante chez celui qui fait toujours figure de Top coach européen. Nasri et Fabregas voulaient partir ? Il a fait mine de l'ignorer avant de céder. Et peu importe si cette stratégie lui a permis d'encaisser un plus gros chèque. L'effet désastreux est que son équipe, étoffée in extremis (avec outre Park, les arrivées de Mertesacker, Arteta et Benayoun) en sort affaiblie.
Des remplaçants goguenards qui jouent à la PSP  devant des tribunes désertées
(car hors de prix) : une image inconcevable à la grande époque de Wenger.
En fait, c'est toute la stratégie échafaudée il y a quelques années par Wenger qui parait en perdition. Son plan ?  Dégoter de très jeunes joueurs prometteurs et bon marché afin d'investir l'argent économisé dans la construction d'un stade dont Arsenal pourra tirer de juteuses ressources lui assurant son autonomie financière et sa prospérité à long terme, une fois le "fair play" financier imposé par Michel Platini aux grands clubs surendettés. Alors certes Arsenal possède désormais l'Emirates Stadium. Mais - à mille lieues des temples 100% british de Manchester ou du... Bayern - c'est une lugubre copie du Stade de France, orpheline de l'ambiance old school du regretté Highbury dont les places, hors de prix (plus chères qu'à Chelsea la bourgeoise !) sont réservées aux plus aisés. Arsenal n'est plus le club populaire des faubourgs nord de Londres immortalisé par Nick Hornby, qu'il était il y a encore dix ans. Ajoutant la honte à la trahison, ce n'est même plus un club triomphant - "souleveur d'argenterie" comme disent les Rosbeefs - puisque les jeunes sensés marcher sur les brisées de la génération Pirès-Vieira-Henry n'ont jamais su rivaliser avec leurs aînés. Ni faire oublier qu'ils n'étaient pas Anglais. Et c'est un autre échec terrible d'Arsène Wenger : quand le centre de formation de Manchester United semble une mine d'or inépuisable, celui des Gunners apparait incapable de produire les joueurs de plus d'1,70 mètre pouvant dissuader le boss de leur préférer de braves transfuges de Ligue 1, un peu moins tendres pour affronter ces virils jeux de quille british qui transforment l'infirmerie d'Arsenal en service pédiatrique bondé. Pour un Wilshere, voire un Walcott, combien d'"espoirs" bientôt envoyés solder leurs rêves rouges et blancs dans des clubs de seconde zone ?


Ce qu'on adorait dans l'Arsenal de la grande époque (1996-2004), c'était cet improbable attelage d'un garçon coiffeur moustachu (Seaman), de rugueux briscards anglais (Adams, Winterburn, Dixon, Bould) plus ou moins sauvés de leur ivrognerie culturelle, de milieux continentaux techniques mais gaillards (Vieira, Petit, Ljungberg, Gilberto) et d'artistes en première ligne (Bergkamp, Overmars, Henry, Pirès, Wiltord). Et c'était le génie de l'Alsacien d'avoir fait de tout ça une équipe sublime, ultra puissante, rapide et inspirée, aboutissant aux chef d’œuvre de 2002 et 2004 : un doublé  puis une première place accompagnée d'une invincibilité durant 49 matchs.
Alors certes une telle génération ne se trouve pas sous les crampons d'un bourrin de West Ham mais Wenger aurait pu, -aurait du - trouver les solutions pour maintenir la compétitivité de son club. Et préserver son identité. Pour le Canonnier en chef, il est peut être bientôt temps de faire parler la poudre. D'escampette.